S’acclimater aux efforts à haute température

Par Dominique Di Vincenzo, médecin-chef de l'UTAT

L’homme est un être vivant homéotherme, ce qui signifie qu’il doit maintenir une température centrale constante. Pour ce faire, il est essentiel que l’addition de la chaleur produite et de la chaleur captée dans l’environnement soit égale aux pertes de chaleur. La chaleur produite par le corps est appelée chaleur endogène.

Cette chaleur est produite par :

  • D’une part, le métabolisme de base, c’est-à-dire l’énergie utilisée par un corps au repos pour fonctionner : poumons, cœur, digestion…
  • D’autre part, la contraction des muscles lors d’un effort

La chaleur exogène correspond à l’échange de chaleur avec votre environnement, y compris les gains et les pertes de chaleur. Cet échange est possible grâce à quatre mécanismes différents :

  • convection
  • conduction
  • rayonnement
  • évaporation

Ces échanges de chaleur ne se produisent que lorsqu’il existe une différence de température entre le corps et l’environnement : c’est ce que l’on appelle le gradient.

La convention permet à la fois de gagner et de perdre de la chaleur. L’échange de chaleur se fait au contact de l’air.

Si la température de l’air est inférieure à celle de la peau, un gradient entre les deux existe et permet à l’organisme d’éliminer la chaleur.

Vous pouvez facilement ressentir les effets de la convention lorsque vous faites du vélo par temps chaud. Vous roulez vite, l’air circule rapidement autour de vous, l’air autour de vous se refroidit : vous ressentez une sensation de fraîcheur. Lorsque l’on ralentit, l’air devient étouffant, la perte de chaleur a diminué.

La conduction permet également de gagner et de perdre de la chaleur. L’échange se fait au contact d’un élément liquide ou solide. Par exemple, lorsque vous nagez, tout votre corps est en contact avec de l’eau dont la température est inférieure à celle de votre corps. Il y a une perte de température dans l’eau, perte qui peut être très importante si l’eau est froide en raison de la surface d’échange. D’où l’importance d’une combinaison. À l’inverse, si vous posez votre main sur une plaque chauffante, le gain de chaleur est immédiat.

Le rayonnement permet également des gains et des pertes de chaleur. Tous les corps rayonnent : le corps humain, le soleil, la terre, les plantes, les minéraux… L’échange de chaleur se fait en recevant et en émettant ce rayonnement.

L’évaporation ne permet que la perte de chaleur par l’élimination de l’eau dans le corps. Trois mécanismes différents permettent l’évaporation :

  • Expiration de l’air transformé en vapeur d’eau lors de la respiration
  • La transpiration, qui est l’élimination de l’eau à la surface de la peau sans intervention des glandes sudoripares.
  • La transpiration : l’élimination de la sueur composée d’eau et de minéraux, produite par les glandes sudoripares situées sous la peau.

Au repos, la chaleur endogène, c’est-à-dire la chaleur produite par le corps, provient uniquement du métabolisme de base et est évacuée par :

  • Convection et rayonnement (75 %)
  • évaporation (25 %) : 2/5 par la respiration – 1/5 par la transpiration + sudation

Lors d’un effort, la chaleur endogène peut être considérablement augmentée et n’est plus produite uniquement par le métabolisme de base. La contraction des muscles est en grande partie responsable de la production de chaleur. L’énergie produite par les glucides et les graisses est transformée en.. :

  • énergie mécanique utilisée pour l’effort physique : 25 %.
  • 75 % de cette énergie sera transformée en chaleur

Cet excès de chaleur est en grande partie évacué par la transpiration (80%).

Les quatre mécanismes de régulation susmentionnés permettent l’échange de chaleur entre l’environnement et la surface de la peau.

La chaleur endogène produite à l’intérieur du corps doit être transportée à la surface de la peau. Le système de circulation sanguine transporte cette chaleur. Le sang est toujours chaud et permet le transport de la chaleur corporelle intérieure vers la périphérie et vice versa.

En ce qui concerne les organes « nobles » (le cerveau, le cœur, les poumons et les viscères abdominaux), il y a toujours une quantité minimale de sang qui circule pour leur apporter la quantité nécessaire à leur fonctionnement.

Mais pour tous les autres organes, la quantité de sang qui leur parvient est régulée en fonction de leur activité :

  • Une augmentation lorsque l’organe travaille pour fournir la quantité d’oxygène nécessaire à son fonctionnement.
  • Elle peut diminuer considérablement lorsque l’organe est au repos

Ainsi, le flux sanguin vers le système digestif augmente pendant la digestion. De même, lors de l’exercice, le flux sanguin musculaire augmente considérablement.

Ces quelques notions sur la répartition du volume sanguin total ont un impact direct sur la régulation thermique qui sera réalisée en grande partie grâce aux variations de volume sanguin des vaisseaux sous-cutanés.

Au repos, le volume de sang présent dans les vaisseaux sous-cutanés ne représente que 5 % du volume sanguin total.

Dans les environnements froids, la température de la peau est supérieure à la température de l’environnement. Par conséquent, le gradient négatif entre la peau et l’environnement contribue à une perte de chaleur par convection et radiation.

Il y a alors un risque de baisse de la température centrale. Mais comme l’homme est un homéotherme, il doit maintenir une température centrale constante.

Comment le corps réagit-il pour empêcher le refroidissement du cœur ?

Le calibre des vaisseaux sous-cutanés diminue : vasoconstriction. Le sang assure le transport de la chaleur, la vasoconstriction entraîne donc une réduction du volume sanguin cutané et donc une limitation des pertes de chaleur. En outre, le sang qui ne quitte pas les tissus sous-cutanés est redistribué dans les zones profondes, ce qui permet de maintenir la température centrale.

Grâce à ses deux adaptations, nous avons :

  • Une surface froide
  • Un cœur à température constante

Dans un environnement chaud, la température de la peau est inférieure à celle de l’environnement. Il existe donc un gradient de température entre la peau et l’environnement qui contribue à un gain de chaleur par convection et radiation. Il y a alors un risque d’augmentation de la température centrale.

Comment le corps réagit-il pour empêcher le réchauffement du cœur ?

Le calibre des vaisseaux sous-cutanés augmente la vasodilatation.

Le volume sanguin cutané augmente, permettant à l’excès de chaleur du cœur d’être transporté vers la périphérie pour être éliminé par convection et radiation.

Souvent, la convection et le rayonnement ne suffisent pas à contrôler l’excès de chaleur : l’évaporation commence.

Grâce à ces deux adaptations, nous avons :

  • Une surface chaude
  • Un cœur à température constante

La chaleur produite par la contraction musculaire se superpose à l’effort dans un environnement chaud, ce qui constitue un excès considérable de chaleur à éliminer (75% de l’énergie produite pour la contraction est transformée en chaleur).la transpiration est donc systématiquement mise en action de façon prépondérante (jusqu’à 80% de l’élimination contre moins de 5% au repos).

La transpiration dans des conditions chaudes et humides ne peut se produire que s’il existe un gradient d’humidité entre la peau et l’environnement. Pendant l’exercice, la teneur en eau de la peau est très élevée en raison de la transpiration.

Si l’air est sec, le gradient est suffisant pour éliminer l’eau de la surface de la peau. En revanche, si l’air est humide (comme à Hawaï), la différence entre l’humidité à la surface de la peau et l’humidité de l’air ambiant est trop faible.

L’eau accumulée sur la peau ne peut plus s’évaporer, ce qui empêche l’élimination de l’excès de chaleur. Il existe alors un risque important de

l’hyperthermie.

La première recommandation découlant de ces faits physiologiques lors de la pratique d’un test en milieu chaud et humide est la suivante :

  • Ne vous trempez pas car vous ajoutez de l’eau, qui va se réchauffer, à la surface de la peau, mais d’un autre côté vous empêchez l’élimination de la sueur que vous continuez à produire.
  • Mais vous devez vous éponger pour éliminer l’eau de la surface de la peau, ce qui permet à la sueur que vous continuez à produire de se répandre à la surface de la peau.

La deuxième recommandation lors de la participation à ce type de course est de veiller rigoureusement à une hydratation adéquate. En effet, la transpiration entraîne d’importantes pertes d’eau, jusqu’à 12 litres en 24 heures. Il est essentiel que ces pertes soient compensées par un apport hydrique adéquat.

En cas d’hydratation insuffisante, les risques sont multiples :

  • Hyperthermie : le corps est incapable de produire de la sueur et donc d’éliminer l’excès de chaleur. La température centrale augmente et provoque un dysfonctionnement des thermostats internes.
  • Déshydratation : perte importante d’eau non reconstituée, entraînant une diminution du volume sanguin total, ce qui peut provoquer une défaillance cardio-vasculaire.

Il est donc essentiel de s’hydrater suffisamment, mais n’oubliez pas que la capacité maximale d’absorption de l’estomac est de 1l/heure, il est donc fortement recommandé de boire régulièrement de petites quantités.

Notez que la sensation de soif est en décalage avec votre hydratation. Lorsque vous commencez à avoir soif, votre corps est déjà en état de déshydratation.

Recommandations concernant les vêtements :

  • Choisissez des vêtements amples afin de favoriser la perte de chaleur par convention.
  • Choisissez des vêtements de couleur claire pour limiter l’augmentation de la chaleur par rayonnement.

Ces faits physiologiques ont également un impact sur la manière de gérer l’alimentation pendant les courses de longue distance. Rappelons que quel que soit le niveau d’activité, le corps redistribue en permanence un minimum de son volume sanguin total vers les organes nobles.

N’oubliez pas non plus que dans les environnements chauds, le volume sanguin dans le tissu sous-cutané augmente considérablement et que, lors d’un exercice physique, une grande partie du volume sanguin total est redistribuée aux muscles. Cependant, le volume sanguin total dans le corps ne varie pratiquement pas entre le repos et l’effort. Il en résulte une diminution significative du volume sanguin distribué aux autres organes et notamment aux organes digestifs.

Cette hypoperfusion est responsable d’un manque d’oxygène dans les organes digestifs, provoquant des troubles digestifs que l’on retrouve sur les courses de fond. D’où l’importance de continuer à manger tout au long de la course et de stimuler ainsi un minimum d’irrigation sanguine du tube digestif.

Enfin, le corps humain étant plein de ressources, il est possible d’adapter progressivement l’organisme à l’exercice physique dans un environnement chaud : c’est le phénomène d’acclimatation.

Des séances d’entraînement répétées dans un environnement chaud permettent la mise en place d’adaptations cardo-vasculaires et sudorales.

COMMENT DOIS-JE PROCÉDER POUR M’ACCLIMATER ?

L’adaptation cardo-vasculaire est réalisée par :

  • Une réduction du volume sanguin sous la peau au profit des muscles. Les muscles deviendront plus efficaces grâce à un apport plus important de 02.
  • L’augmentation du volume sanguin total permet une meilleure évacuation de la chaleur par la transpiration.
  • Une diminution de la fréquence cardiaque pendant l’exercice permet d’économiser de l’énergie et de réduire la production de chaleur.

L’adaptation de la transpiration est due à :

  • Augmentation de la capacité à transpirer
  • Le raccourcissement du délai entre le début de l’exercice et le début de la transpiration favorise une meilleure élimination de la chaleur par la transpiration.
  • Une diminution de la perte de minéraux limite les risques de déshydratation.

Ces adaptations entraînent une baisse de la température corporelle et retardent l’apparition de la fatigue.

Il faut trois à cinq jours pour obtenir une adaptation cardiovasculaire et au moins dix jours pour obtenir une adaptation sudorale.

Pour parvenir à l’acclimatation, vous devez réduire l’intensité de vos séances d’entraînement à 60-70 % de votre programme d’entraînement initial pendant environ deux semaines.

Ainsi, une séance de course à pied de 1h30 initialement prévue à 145 bpm devrait être effectuée autour de 100 bpm (70% de 145 bpm). Les sessions doivent être divisées en fonction de leur intensité. Les séances à haute intensité (intervalles, etc.) doivent être effectuées le matin, lorsqu’il fait plus frais.

Seules les séances les moins intenses (endurance) devraient avoir lieu pendant les heures les plus chaudes de la journée. Il est également important de prendre en compte la fréquence cardiaque (et non la vitesse) pour établir l’intensité des séances, car au début de la période d’acclimatation, la vitesse de l’athlète sera plus faible que d’habitude, pour une plage de FC (fréquence cardiaque) donnée. Une fois l’adaptation en place, l’athlète retrouvera le même niveau de performance pour une gamme de FC donnée.

Pour garantir l’efficacité, une période d’acclimatation de 15 jours dans un environnement chaud et humide doit être effectuée au cours du dernier mois précédant la course et inclure un séjour dans un environnement chaud et humide la dernière semaine avant la compétition.

En effet, 50 % des gains obtenus pendant la période d’acclimatation peuvent disparaître si l’athlète quitte l’environnement chaud.

La période de réduction progressive (habituellement d’environ sept jours) doit être ramenée à cinq jours. En effet, pendant la période d’arrêt, la réduction progressive du volume d’entraînement est responsable d’une diminution du volume sanguin total. Il est donc essentiel de réduire autant que possible cette diminution du volume sanguin

Il est donc essentiel de minimiser cette diminution du volume sanguin, car elle pourrait favoriser la déshydratation le jour de la course.

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